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L’anti-prohibition est une question de justice sociale

Pour ceux qui ne connaissent pas la Liaison Antiprohibitionniste, peux-tu nous en dire quelques mots ? Son histoire, ses missions …

Sarah : Avant d’être une association, il y a eu en 1989 une liste Antiprohibitionniste lors des élections régionales à Bruxelles. Elle obtiendra un score modeste mais suffisamment significatif pour créer Liaison Antiprohibitionniste asbl, qui fête donc cette année ses 30 ans d’existence. L’ASBL compte alors parmi ses membres des avocats, des médecins, des sociologues, des professeurs d’universités et des usagers de drogues. Ils mettent en évidence les effets contre-productifs de cette politique sur le plan sanitaire, de la justice, de la criminalité, de l’économie… Depuis 2018, la « Liaison » est reconnue comme acteur de la promotion de la santé par la COCOF.

Les missions de l’association sont diverses ; la première consiste à promouvoir les alternatives possibles à l’interdit pénal et l’information sur les politiques des drogues en publiant des articles et en participant au débat public, à des groupes de travail et des commissions… Ensuite vient la formation par l’organisation de journées d’étude, conférences, débats ou encore des interventions dans des écoles supérieures, auprès de collectifs… Enfin, il y a notre action dans le domaine de la réduction des risques en offrant une information juridique relative aux infractions à la loi sur les stupéfiants et par la publication de brochures. Parallèlement, il y a la permanence juridique qui permet d’entreprendre un dialogue de prévention et de soutenir les personnes qui rencontrent des problèmes juridiques.

Quel est l’état aujourd’hui de la législation sur la consommation de drogues en Belgique et en quoi peut-on la qualifier de répressive ?

Sarah: Si l’on parle de drogues illégales (parce que l’alcool et le tabac sont aussi des drogues), la législation reste très répressive. On estime que 1 personne sur 3 est incarcérée en Belgique pour des faits liés à l’usage de drogue. La majorité des personnes qui rencontrent des problèmes judiciaires sont souvent d’origine étrangère et/ou sont issues des classes les plus pauvres de la population. L’anti-prohibition est donc une question de justice sociale mais aussi de liberté individuelle : en quoi une consommation relève-t-elle du droit pénal à partir du moment où l’usager ne fait de mal à personne à part éventuellement à lui-même ? En dans le cas d’une consommation problématique, nous estimons qu’il est préférable de soigner et non de punir.

Faut-il supprimer cette loi de 1921 et quels types d’autre politiques mettre en œuvre ?

Sarah: Il est indispensable de la modifier et de l’adapter aux réalités actuelles. Prenons le cas des salles de consommation à moindre risque (SCMR), la loi de 1921 interdit les lieux qui facilitent l’usage de drogues (à l’époque elle visait les fumeries d’opium qui, en réalité, n’existaient pas dans notre pays mais cette loi a été adoptée après la Convention Internationale sur l’opium à La Haye en 1912) et donc d’une certaine manière la SCMR de Liège est en infraction par rapport à cette loi. Nous ne savons pas ce que vont faire des villes comme Bruxelles, Namur ou Charleroi qui souhaitent en ouvrir : les politiques iront-ils jusqu’à se mettre en infraction ?

D’une manière générale, il est plus que nécessaire de ne plus criminaliser l’usage de drogues mais aussi d’arriver à une régulation et à un contrôle des drogues. La prohibition favorise la violence et la criminalité et croire à un monde sans drogues n’est pas réaliste.

En quoi consiste la campagne #STOP1921 ? Comment et sous quelles formes peut-on participer ?

Sarah: La campagne est une initiative de 3 associations : Liaison Antiprohibitionniste, la Fedito BXL et BXL Laïque dans le but de faire changer la loi après bientôt 100 ans d’existence. Cette loi est coûteuse et inapplicable, ne protège pas la santé, ne diminue ni l’offre ni la demande et enrichit les réseaux criminels. Bref c’est tout simplement du gaspillage d’argent public et les conséquences sont néfastes pour l’ensemble de la société.

Pour y participer, il y a plusieurs façons : d’abord en signant la pétition en ligne sur stop1921.be, en organisant des rencontres et des débats, ou encore des manifestations voire des actions de désobéissance civile. Tout est ouvert mais ce qui est certain c’est que nous avons besoin de soutien pour faire changer à la fois la loi et les mentalités.

Quand il est question de drogue, on évoque souvent le modèle portugais, peux-tu nous l’expliquer ? Est-ce que c’est un modèle à suivre selon toi ?

Sarah: En effet, depuis 2001 le Portugal a décriminalisé l’usage et la possession de petites quantités de drogues. Le pays a estimé qu’il s’agissait d’une problématique de santé et plus de justice pénale, ce qui est déjà un grand pas. Mais attention, il s’agit d’une décriminalisation partielle et non totale, qui ne s’applique qu’à la possession d’une quantité limitée de drogues. La possession de quantités plus importantes amène encore des répercussions légales (amendes, etc.). Par ailleurs, l’usager est passé du statut de criminel à celui de malade, ce qui, d’une manière générale est sans doute plus positif mais il faut faire attention à ne pas confondre maladie et pathologie. L’usager reste un citoyen à part entière, capable de faire des choix ! Par ailleurs, le Portugal a mis en place des commissions de dissuasion qui regroupent des médecins, psychologues, avocats et assistants sociaux où l’objectif final est l’abstinence. Le non-respect, même involontaire, de cette obligation entraîne une amende dont le montant, quoique faible, est plus lourd de conséquences pour les populations pauvres.

À mon sens, il faut s’inspirer du modèle portugais, et pas le suivre à la lettre, déjà parce que les réalités culturelles entre les deux pays sont différentes. En partant des critiques que de nombreux usagers portugais font de ce modèle, nous pourrions évaluer ce qui serait possible de mettre en place chez nous.

On a l’impression que ça bouge pas mal au niveau du cannabis dans plusieurs pays (au Canada, dans des états américains ou plus proche de chez nous au Luxembourg). J’imagine que cela recouvre des réalités assez différentes. Peux-tu nous faire un état des lieux ?

Sarah: En effet, ça bouge du côté de la légalisation du cannabis, qu’il soit thérapeutique ou récréatif. Il y aurait beaucoup à dire sur les expériences actuelles, ce qui se passe au Colorado est bien différent de ce qui est mis en place au Canada. Il y a à chaque fois des choses intéressantes mais aussi très critiquables à relever. Au Colorado c’est « business as usual » : le cannabis est un produit comme un autre, la publicité est autorisée et le projet est vraiment de faire de l’argent. Le Canada a été plus prudent notamment pour toutes questions liées à la santé des consommateurs mais il reste un projet néolibéral avec un monopole d’état. Il est important de noter que même s’il y a une loi fédérale, les régions ont adapté la législation. Exemple : la loi fédérale autorise la culture à domicile de 4 plants maximum mais le Québec l’interdit.
Quant au Luxembourg, le projet est en cours et j’imagine que le pays va largement s’inspirer des autres expériences (Urugay, Canada, etc.) pour faire une proposition.

Je pense qu’avec la récente décision luxembourgeoise, la Belgique va aussi se positionner, en tout cas sur le cannabis médical, il y a de plus en plus de formations politiques qui se disent prêtes à le légiférer. L’ouverture de magasins de CBD a probablement aussi permis d’ouvrir le débat sur cette question. Quant au cannabis dit récréatif, j’espère que cela se fera en parallèle du cannabis thérapeutique parce qu’il serait dommage d’envisager l’un et pas l’autre et puis, on parle quand même de la même plante. L’aspect économique sera une question cruciale et nous devrons être vigilants pour que la régulation du chanvre ne soit pas un projet néolibéral mais avant tout social où la santé et la justice seront au centre du débat.

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